Qui est considéré comme aidant ?
Dans la France d’aujourd’hui, accompagner un proche fragilisé par l’âge, la maladie ou le handicap n’est plus une situation exceptionnelle. Ce geste, souvent discret, traverse toutes les générations et concerne plusieurs millions de personnes. Un parent qui fait les courses pour sa mère vieillissante, une sœur qui accompagne un jeune adulte en situation de handicap, un conjoint qui soutient son partenaire atteint d’une maladie chronique : chacun agit par affection, par loyauté, parfois par nécessité, rarement en se présentant comme « aidant ».
Les études récentes le montrent avec force : près de 11 millions de personnes apportent une aide régulière à un proche en perte d’autonomie, et pourtant la moitié d’entre elles ne se reconnaît pas comme aidante. Cette invisibilité fragilise l’accès aux droits et aux soutiens prévus par les politiques publiques. Reconnaître ce rôle constitue donc un premier pas : pour demander de l’aide, pour prévenir l’épuisement, et plus largement pour faire entrer la société dans une véritable culture de l’aidance.
La Fondation Notre Dame s’inscrit dans cette dynamique en portant le Fonds des Aidants, qui mobilise déjà 700 000 € et lancera son premier appel à projets en 2026. Son objectif : soutenir les initiatives d’écoute, de formation et de répit, et faire émerger une parole jusque-là contenue, celle des aidants « à bas bruit » que les études identifient désormais comme un enjeu majeur. Cette page vise à clarifier qui est aidant, quels sont les différents profils, et pourquoi cette réalité nous concerne, collectivement, aujourd’hui.
Définitions et terminologie
Qu’entend-on par “proche aidant” ?
Le terme possède désormais une base légale. L’article L.113-1-3 du Code de l’action sociale et des familles définit le proche aidant d’une personne âgée en perte d’autonomie comme :
« son conjoint, partenaire de PACS, concubin, un parent ou allié, ou une personne résidant avec elle ou entretenant avec elle un lien étroit et stable, qui lui vient en aide de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou activités de la vie quotidienne. »
Cette définition éclaire trois éléments essentiels :
– L’aide est régulière et fréquente, qu’elle prenne la forme de visites hebdomadaires, d’une présence quotidienne ou d’une coordination permanente.
– L’aide n’est pas professionnelle : l’aidant n’est ni salarié de la personne aidée ni auxiliaire de vie rémunéré.
– Le lien peut être familial ou non : un voisin engagé, un ami proche, un membre de la communauté peut aussi être proche aidant.
Cette définition, d’abord pensée pour la perte d’autonomie liée à l’âge, s’étend aujourd’hui par analogie aux situations de handicap, de maladie chronique, de troubles psychiques ou de dépendance temporaire.
Aidant familial, aidant naturel, aidant à domicile, pair aidant : quelles nuances ?
L’aidant familial « classique »
C’est l’image la plus répandue : un conjoint, un enfant adulte ou un proche direct qui agit par solidarité familiale. Ce rôle, qui mobilise plus de la moitié des aidants selon les études, a des répercussions bien documentées sur l’emploi, les finances, le sommeil et la santé.
L’aidant naturel
Il couvre un champ plus large. Il peut s’agir d’un ami, d’un voisin ou d’un membre de l’entourage qui soutient la personne sans rémunération. Cette notion insiste davantage sur la relation que sur le lien de sang.
Le parent aidant
Ce terme recouvre diverses situations : parents d’enfants malades ou handicapés, adultes accompagnant un parent vieillissant, adultes « génération sandwich » pris entre enfants et ascendants. Ces aidances s’inscrivent dans le temps long, avec une charge affective élevée et une conciliation délicate entre vie familiale, vie professionnelle et santé personnelle.
L’aidant à domicile
Lorsqu’il vit sous le même toit que la personne aidée, l’aidant se trouve exposé à une charge continue : disponibilité permanente, nocturnes, absence de « hors-champ ». Les études soulignent que dans ces configurations, la charge psychique est particulièrement marquée. L’aide professionnelle existe, mais une partie des aidants y renonce pour des raisons de coût ou par difficulté à trouver une personne de confiance.
Le pair aidant
Figure désormais bien identifiée dans le secteur associatif, le pair aidant accompagne par l’écoute, par le témoignage, par la transmission de pratiques éprouvées. Les groupes de parole, formations et ateliers s’appuient souvent sur cette dimension expérientielle, essentielle pour rompre l’isolement.
Qui sont les proches aidants en France ? Profils et chiffres clés
Les données disponibles, issues notamment de l’enquête Ipsos–Macif (2020), du baromètre 2024 du Collectif Je t’Aide ou du sondage IFOP 2025 pour la Fondation Notre Dame, dessinent un portrait précis.
La France compte entre 8 et 11 millions d’aidants. Selon l’Ifop (2025), 38 % des Français ont déjà aidé régulièrement un proche, et 1 personne sur 2 estime qu’elle deviendra aidante dans les années à venir.
Les profils varient :
– 54 % sont des femmes,
– 58 % sont en activité professionnelle,
– près de 47 % accompagnent un parent,
– 53 % soutiennent une personne âgée,
– 36 % accompagnent une maladie,
– 23 % un handicap,
– 7 % des troubles psychiques (IFOP 2025).
Les aidants actifs représentent un enjeu majeur : environ 20 % des salariés sont concernés, ce qui implique un impact direct sur les trajectoires professionnelles. Le phénomène des multi-aidants — une même personne soutenant plusieurs proches — progresse.
Les études convergent : isolement, charge mentale, tensions professionnelles et difficultés financières caractérisent souvent ce rôle. Lors du premier confinement, 71 % des aidants se sont sentis seuls (Ipsos–Macif). En 2024, 40 % rapportent une fatigue mentale importante et 33 % une fatigue physique.
Les rôles et missions de l’aidant
Le quotidien de l’aide
L’aidant intervient dans les gestes de la vie : toilette, déplacements, repas, courses, prise de médicaments. Il assure également un soutien administratif — dossiers MDPH, rendez-vous médicaux, démarches diverses — et un soutien psychologique constant. Dans les situations complexes (maladies neuro-dégénératives, polyhandicaps, troubles psychiques), il devient coordonnateur, médiateur, interface entre professionnels.
L’intensification progressive du rôle
L’aidance débute parfois par de petites aides épisodiques, puis s’étend progressivement jusqu’à devenir une présence accrue, voire un accompagnement lourd. Les spécialistes évoquent la notion de « deuil blanc », lorsque la maladie altère progressivement la relation, en particulier dans les pathologies cognitives.
Les données le confirment : 1 aidant sur 3 renonce à promotion ou formation, 31 % rencontrent des difficultés professionnelles, et ceux qui accompagnent un conjoint sont les plus éprouvés.
Le statut juridique, la reconnaissance et les droits des aidants
Le cadre légal
La reconnaissance des aidants s’est renforcée par le biais de :
– l’article L.113-1-3 du CASF pour les proches aidants de personnes âgées,
– l’article L.1111-6-1 du Code de la santé publique concernant la notion d’aidant naturel,
– le développement de la stratégie « Agir pour les aidants » (2023-2027) portée par le gouvernement.
Ces textes traduisent une avancée importante dans la reconnaissance du rôle des aidants, mais cette reconnaissance demeure partielle.
Les droits accessibles
Les principaux dispositifs incluent :
– congé de proche aidant, renouvelable,
– allocation journalière du proche aidant (AJPA), désormais rechargeable (66 jours/personne aidée, jusqu’à 264 jours sur la carrière),
– assurance vieillesse des aidants (AVA) pour les situations longues,
– aides à domicile, plateformes de répit, maisons de répit, dispositifs de soutien psychologique,
– aides financières via APA, PCH, complément AEEH.
En savoir plus sur les aides aux aidants
Pourquoi cette reconnaissance est essentielle
Elle permet d’ouvrir des droits, d’éviter l’épuisement, d’orienter les financements, de structurer les politiques publiques et de rendre visible un rôle longtemps perçu comme strictement familial.
Comment aider l’aidant à se reconnaître et à accéder au soutien ?
Une part importante des aidants ignore encore qu’elle en est : selon le baromètre 2024, 1 aidant sur 3 ne se reconnaît pas dans ce rôle. Pourtant, la prise de conscience permet de mobiliser des ressources, de solliciter des accompagnements et d’éviter l’isolement.
Les signes d’alerte : fatigue durable, repli social, difficultés à concilier travail et aide, renoncement à des loisirs ou à des rendez-vous médicaux personnels.
Les premiers pas possibles :
– nommer son rôle,
– contacter une association, une plateforme locale ou un groupe d’aidants,
– se former, s’informer sur les droits,
– solliciter du répit.
Pourquoi la question des aidants concerne toute la société ?
Le vieillissement démographique, l’augmentation des maladies chroniques et le virage domiciliaire des politiques publiques rendent le rôle des aidants déterminant. La France compte déjà plusieurs millions de personnes en perte d’autonomie, et les projections montrent une hausse continue.
Sur le marché du travail, un salarié sur cinq est aidant, avec un impact direct sur la disponibilité, l’absentéisme, la santé et les trajectoires professionnelles. Le coût économique est évalué entre 20 et 30 milliards d’euros.
Les aidants forment un socle de solidarité essentiel mais fragile. Les soutenir, c’est protéger le tissu social.
La Fondation Notre Dame appelle à renforcer cette culture de l’entraide. À travers le Fonds des Aidants, elle soutient déjà des projets d’écoute, de formation et de répit, et prépare un appel à projets doté de 700 000 € pour 2026. Chaque contribution, qu’elle soit financière, bénévole ou associative, participe de cet effort national.