Les proches aidants ont-ils droit à des congés ?
L’aidance est devenue l’un des grands marqueurs silencieux de notre époque. Derrière les murs des appartements, dans les couloirs des hôpitaux ou dans les gestes du quotidien, des millions de Français soutiennent un proche âgé, malade, handicapé ou fragile psychiquement. Leur présence, souvent discrète mais indispensable, est un pilier de solidarité nationale. Pourtant, ce rôle repose sur des épaules humaines, vulnérables, parfois vacillantes. La conciliation entre travail, vie familiale et accompagnement intensif conduit nombre d’entre eux à l’épuisement.
Pour répondre à cette réalité, le droit social a conçu deux dispositifs complémentaires : le congé de proche aidant, qui permet d’aménager sa vie professionnelle, et les solutions de répit, essentielles pour prévenir la rupture physique et morale. Cet article propose de comprendre ces outils, leurs conditions, leurs limites, et la manière dont la Fondation Notre Dame accompagne les aidants
Le congé de proche aidant : cadre, conditions et modalités
Un dispositif conçu pour protéger l’aidant
Le congé de proche aidant permet à un salarié de s’absenter temporairement afin d’assister un proche en grande perte d’autonomie. Il concerne autant l’enfant handicapé que le parent vieillissant, le conjoint souffrant d’une maladie chronique ou l’ami de longue date en situation de vulnérabilité.
Mis en place en 2017, il marque un tournant dans la reconnaissance publique : il ne s’agit plus d’un simple « devoir familial », mais d’un rôle social identifié, pouvant entraîner des droits spécifiques pour éviter que l’aidant ne s’épuise.
Qui peut en bénéficier ? Les critères à connaître
Ce congé est accessible à tous les salariés, quel que soit leur statut ou leur secteur, et il n’exige aucune ancienneté. La relation avec le proche aidé peut être familiale, conjugale ou amicale, dès lors qu’elle est stable et étroite. Ce qui compte, c’est le lien, pas l’état civil.
Le proche aidé doit, quant à lui, être reconnu en situation de handicap lourd ou de perte d’autonomie significative. Son état doit impliquer un besoin d’aide régulière pour accomplir des actes essentiels de la vie quotidienne. De nombreux aidants hésitent encore à solliciter ce congé, par pudeur ou parce qu’ils ne se reconnaissent pas comme « aidants », alors même que la loi les y autorise pleinement.
Durée, organisation et indemnisation : comment cela fonctionne-t-il ?
La durée initiale du congé est limitée à trois mois, mais elle peut être renouvelée tant que le plafond d’un an sur l’ensemble de la carrière n’est pas dépassé. Le dispositif est souple : l’aidant peut choisir de prendre son congé en continu, par périodes fractionnées ou sous forme de temps partiel. Cette malléabilité est essentielle pour s’adapter à la diversité des situations : certains aidants n’ont besoin que de quelques jours réguliers ; d’autres traversent des phases de soins intenses.
Sur le plan financier, le congé n’est pas rémunéré par l’employeur. En revanche, l’aidant peut percevoir l’Allocation Journalière du Proche Aidant (AJPA), versée par la CAF ou la MSA, qui compense partiellement la perte de salaire. Cette aide reste modeste, mais elle symbolise une reconnaissance : celle d’un temps consacré à un proche et d’un devoir assumé sans renoncement complet aux ressources.
Pour demander ce congé, une simple notification écrite à l’employeur, accompagnée des justificatifs, suffit. Il ne s’agit pas d’une faveur, mais d’un droit.
Les limites et les freins d’un dispositif encore peu utilisé
Malgré son utilité, le congé de proche aidant demeure peu mobilisé. Les raisons sont multiples :
la crainte d’être incompris au travail, la peur de fragiliser sa carrière, l’impression qu’il « faut tenir », ou encore le sentiment que l’on ne mérite pas d’être reconnu comme aidant.
Pourtant, les études montrent que la fatigue accumulée, la charge mentale constante et l’isolement progressif sont des réalités bien concrètes. Le congé de proche aidant n’est pas une parenthèse de repos, mais une manière de sécuriser l’aidant, de lui permettre d’affronter des situations complexes sans risquer d’effondrement.
Il doit cependant s’articuler avec un autre levier essentiel : le répit.
Le répit des aidants : pourquoi, pour qui, comment ?
Le répit : une nécessité vitale, pas un luxe
Le répit est une pause. Une parenthèse temporaire où l’aidant peut confier son proche à un professionnel ou à une structure d’accueil pour se reposer, respirer, retrouver du temps pour soi. Il ne s’agit ni d’abandon ni de relâchement : c’est une mesure de survie.
Car l’épuisement de l’aidant n’est pas une abstraction. Il s’exprime à travers des nuits hachées, des douleurs physiques, une anxiété diffuse, un repli social parfois durable. Le répit permet de rompre ce cercle, de reconstruire un équilibre.
Les différentes formes de répit
Le répit prend de multiples visages. Il peut s’agir d’un accueil de jour où le proche est accompagné quelques heures, d’un séjour temporaire en établissement, d’un professionnel qui intervient à domicile pour « relayer » l’aidant, ou encore d’ateliers collectifs, de cafés des aidants, de groupes de parole.
Ces dispositifs sont inscrits dans la loi depuis 2015 et soutenus par les plateformes locales de répit. Ils visent à soulager l’aidant, mais aussi à maintenir la qualité d’accompagnement du proche. Trop souvent, les aidants n’y recourent pas par culpabilité. Pourtant, un aidant reposé est un aidant qui aide mieux.
Congé et répit : une articulation indispensable
Trouver le bon équilibre pour éviter l’épuisement
Le congé de proche aidant et le répit ne s’opposent pas : ils se complètent.
L’un permet de réduire ou suspendre l’activité professionnelle, l’autre permet de souffler réellement pendant cette période où la charge domestique reste élevée.
Prendre un congé sans répit revient souvent à déplacer la fatigue du bureau au domicile. À l’inverse, bénéficier d’un répit sans ajuster son emploi du temps peut laisser l’aidant dans une course permanente. L’enjeu est d’orchestrer les deux, de manière à construire un parcours d’aidance soutenable.
Les signes qui doivent alerter
Lorsque l’isolement s’installe, que le sommeil se dérègle, que la culpabilité devient permanente et que les équilibres familiaux vacillent, il est temps de chercher un soutien. Les associations, les groupes d’écoute, les professionnels du médico-social ou encore les dispositifs institutionnels peuvent accompagner cet ajustement.
Les témoignages recueillis par la Fondation Notre Dame évoquent souvent la même phrase : « Je vis sa vie, le temps et l’esprit sont monopolisés. » Cette absorption totale est le signal d’un besoin urgent de relais.
L’engagement de la Fondation Notre Dame au service des aidants
Le Fonds des Aidants : écoute, formation, répit
Consciente de la fragilité de ces parcours et de la solitude dans laquelle tant d’aidants avancent, la Fondation Notre Dame a créé le Fonds des Aidants. Son ambition : apporter des réponses concrètes, humaines et efficaces.
Ce fonds soutient des associations qui proposent :
- des temps d’écoute, individuels ou collectifs ;
- des formations pour comprendre les troubles, poser des limites, s’orienter dans les aides ;
- des solutions de répit adaptées : séjours, ateliers, structures d’accueil.
Pour son appel à projets 2026, le Fonds mobilise 700 000 €, dont 350 000 € déjà collectés, afin de financer des initiatives partout en France.