Croire en un nouveau départ : accompagner la réinsertion au quotidien

En 2022, 98 604 personnes sont sorties de prison en France selon les chiffres du ministère de la Justice. Derrière ce chiffre, une réalité peu visible : celle d’hommes et de femmes qui, une fois franchi le seuil de la détention, se retrouvent face à une société qui les attend mais peut faire peur quand on est seul face à « une deuxième chance » . La peine s’achève, mais commence alors un parcours d’obstacles : reprendre pied, éviter les écueils, retrouver une dignité. La récidive, qui touche près d’un ancien détenu sur deux dans les cinq ans, n’est pas qu’une affaire de volonté. Elle est souvent le symptôme d’un isolement, d’un défaut d’accueil, d’un manque de relais.

C’est dans cet entre-deux, ce moment décisif mais fragile, que se situe l’engagement de plusieurs associations soutenues par la Fondation Notre Dame, dans le cadre de son programme Entraide & Éducation et via ses fondations privées. Ces initiatives ne proposent ni assistanat, ni raccourci. Elles bâtissent des parcours d’insertion exigeants, structurés, incarnés, qui reposent sur un accompagnement personnalisé et une confiance patiente.  Ils s’inscrivent dans un humanisme concret, à hauteur d’homme, où l’on prend le temps de faire émerger un projet de vie viable.

Justice Deuxième Chance : construire des repères durables

Fondée il y a dix ans, Justice Deuxième Chance (J2C) a vu juste : la clef d’une réinsertion réussie passe par le travail, mais pas n’importe comment. Le retour à l’emploi doit s’inscrire dans une logique d’apprentissage, de reconstruction de soi, de confrontation à des règles et à des responsabilités. C’est pourquoi J2C développe des parcours mêlant préparation concrète à l’emploi (ateliers de rédaction de CV, simulations d’entretien, rencontres avec des professionnels), accompagnement psychosocial, et suivi individuel sur plusieurs mois.

Le programme phare, intitulé “Dedans-Dehors”, articule deux volets : un cycle d’ateliers en détention (sur deux mois), suivi d’un accompagnement extérieur vers l’emploi qui peut durer jusqu’à un an. Cette continuité est essentielle : elle évite les ruptures brutales et permet à la personne de maintenir un cadre structurant en sortie de détention. Le programme s’adresse prioritairement aux jeunes adultes de 18 à 25 ans incarcérés dans trois établissements franciliens (La Santé, Nanterre, Villepinte). Cette tranche d’âge est à la fois vulnérable et réceptive, encore capable de bifurquer.

La pertinence de cette approche se mesure à l’aune des parcours suivis. Celui de Djibril, par exemple, illustre la capacité de J2C à créer des ponts entre l’univers carcéral et le monde du travail. Orienté par le SPIP de Nanterre, Djibril a bénéficié d’un accompagnement renforcé avec Humando, une entreprise d’insertion. Après une formation intensive dans le BTP, il a décroché un emploi sur un chantier, avec plusieurs renouvellements de contrat. « J2C ne m’a jamais laissé tomber, ça me motive vraiment. Je n’y croyais plus », confie-t-il

Ce succès n’est pas anecdotique : il est le fruit d’une écoute fine, d’un accompagnement quotidien, et d’un partenariat actif entre acteurs sociaux et économiques. La Fondation Notre Dame a soutenu J2C à hauteur de 20 000 € depuis 2021, finançant successivement du matériel pédagogique (notamment des casques de simulation 3D pour les ateliers de lecture de plans) et des fonctions de coordination nécessaires au déploiement du programme.

Hubert Riedinger, bénévole J2C

« Il faut relancer, encore et encore »

« Notre travail, c’est de tendre la main sans naïveté. Ce sont des jeunes cabossés, souvent pleins de défiance. On commence par les écouter, on s’adapte. On les prépare à décrocher un emploi, oui, mais surtout à tenir dans la durée. »

Wake Up Café : un cadre pour se reconstruire

Autre approche, autre tonalité. Chez Wake Up Café (WKF), l’accueil est communautaire, chaleureux, mais structuré. Le mot-clé ici, c’est la “remobilisation”. Car la sortie de détention n’est pas qu’un changement de statut administratif : c’est un bouleversement existentiel. De nombreux sortants de prison se retrouvent face à un vide sidérant : plus de logement, plus de repères, peu de soutien. Il leur faut un lieu, des visages, une dynamique collective pour éviter de replonger.

C’est ce que propose WKF, avec un accompagnement global sans limite de durée. Les wakeurs, comme on appelle les bénéficiaires, signent un engagement formel : ils s’engagent à participer activement à leur réinsertion, à couper avec les anciens réseaux, à respecter les règles du lieu. Ils bénéficient d’ateliers collectifs (éloquence, art-thérapie, sport, philosophie, écriture), de repas partagés, d’un suivi psychologique, et d’un accompagnement vers l’emploi dans des secteurs précis (restauration, propreté, agriculture urbaine). Les journées sont rythmées, complètes, exigeantes. On y apprend à vivre autrement, avec les autres.

En détention, WKF a lancé le programme Re<Insert>, conçu pour les personnes en fin de peine. Pendant trois semaines, les participants suivent des modules intensifs autour de la connaissance de soi, de la citoyenneté, de l’expression orale et de la construction du projet professionnel. C’est une première étape pour se projeter dans une sortie constructive, préparée, structurée. En parallèle, des ateliers artistiques (chant, théâtre, couture, art floral…) permettent de travailler l’estime de soi, de réapprendre à ressentir, à créer, à coopérer.

La Fondation Notre Dame a soutenu WKF à hauteur de 15 000 € en 2021, pour financer les repas du site parisien. En 2024, elle a versé 5 870 € pour un projet-pèlerinage sur les chemins de Compostelle, offrant à six wakeurs une expérience concrète de dépassement, d’engagement et de solidarité. Une fondation abritée par la Fondation Notre Dame a quant à elle participé à hauteur de 12 000 €.

Wake up Café en chiffres

– 1 450 personnes accompagnées depuis 2014 au 1er janvier 2023

– un réseau de plus de 400 partenaires au 1er janvier 2023

– Taux de retour en prison depuis 2014 parmi les personnes accompagnées : 12,6%

– Une équipe de 50 salariés et 250 bénévoles au national

L’Îlot : reconstruire pierre à pierre

Moins connue du grand public, L’Îlot déploie depuis plus de cinquante ans une approche complète d’accompagnement des sortants de prison. Ici, la priorité est donnée à la reconstruction des quatre piliers essentiels à toute stabilité durable : un logement digne, un emploi régulier, une santé prise en charge, et des liens familiaux ou sociaux restaurés.

Loin de tout angélisme, les équipes de L’Îlot savent que la sortie de prison est souvent entravée par des addictions, des ruptures affectives profondes, une méfiance envers les institutions, voire une préférence paradoxale pour le cadre carcéral. Face à cela, l’association propose des dispositifs d’hébergement avec accompagnement social, des chantiers d’insertion, des actions en détention, notamment à Amiens et Beauvais.

Le centre pénitentiaire de Beauvais, par exemple, accueille un atelier textile animé par L’Îlot. Chaque jour, des détenus volontaires y travaillent six heures, rémunérés symboliquement, encadrés par des professionnels formés à l’insertion. Ce cadre exigeant leur permet d’acquérir des compétences, de retrouver une régularité, et de s’initier au travail collectif. À la sortie, le lien est maintenu avec les équipes de l’association, qui orientent vers des structures d’insertion ou des hébergements adaptés.

En 2024, plusieurs fondations abritées par la Fondation Notre Dame ont soutenu L’Îlot, Ces soutiens ne se substituent pas aux aides publiques, mais permettent de financer ce que les subventions classiques couvrent rarement : accompagnement de proximité, remobilisation, soins psychiques, formation du personnel.

Soutenir ce qui fait tenir

Soutenir la réinsertion des sortants de prison, ce n’est pas simplement donner une “seconde chance”. C’est travailler dans la durée, avec des partenaires ancrés dans le réel, qui connaissent les mécanismes de la récidive comme les leviers de la reconstruction. C’est refuser à la fois la naïveté et la résignation. C’est aussi reconnaître que les marges de la société sont des lieux où se joue la qualité de notre tissu social.

La Fondation Notre Dame, en accompagnant des structures comme J2C, Wake Up Café ou L’Îlot, fait le choix d’une philanthropie attentive, sur-mesure, sobre, mais résolument engagée. Elle finance ce qui ne se voit pas toujours : l’écoute, la constance, la rigueur du suivi. Et ce faisant, elle participe à bâtir une société dans laquelle nul n’est définitivement réduit à ses fautes.

Découvrez notre article sur le Wake-Up Café : ici

(c) DR