Maraudes numériques : aller à la rencontre, même à distance

L’antenne Sainte Rita de l’association Aux captifs, la libération, soutenue par la Fondation Notre Dame, rencontre et accompagne des femmes en situation de prostitution à Paris.

À Paris, de nombreuses femmes en situation de prostitution vivent dans une grande précarité, souvent isolées et vulnérables. Face à cette réalité, les Captifs s’engagent depuis plus de 40 ans à aller à leur rencontre, à les écouter et à leur offrir un accompagnement adapté. Grâce à des tournées-rue régulières, des permanences d’accueil et un dispositif de sortie de la prostitution, l’association met tout en œuvre pour leur permettre d’envisager un avenir plus serein.

Plusieurs formes de rencontres et d’accompagnements

Créée en 2014 et rattachée à la chapelle Sainte-Rita, l’antenne Sainte Rita se situe dans le quartier de Pigalle (9e). Elle est composée de cinq travailleurs sociaux, d’un psychologue, d’un médiateur santé et d’un chef de projet « tournée numérique ». Ses membres effectuent toutes les semaines, à la même heure, des tournées-rue auprès de personnes en situation de prostitution, dans le bois de Vincennes, les boulevards des Maréchaux situés au nord (Porte de la Chapelle, Strasbourg Saint-Denis, Château Rouge) et dans le centre de Paris. En suivant le même itinéraire chaque semaine, des liens de confiance se créent. Les membres de l’association se déplacent en binôme toujours constitué d’un homme et d’une femme, pour faciliter l’échange et permettre qu’un homme pose un regard bienveillant sur la personne en prostitution.  À chaque tournée, les membres de l’association discutent avec une dizaine de personnes. L’antenne Sainte Rita organise plus de 10 tournées par semaine.

L’association tient également une permanence d’accueil de jour où les personnes rencontrées peuvent venir prendre un café, échanger avec l’équipe et bénéficier d’un accompagnement social, parental, médical… Là-bas, on les aide aussi à porter plainte contre un proxénète lorsque cela est nécessaire et leur mise à l’abri est assurée. L’association propose également des sorties culturelles et des séjours de « rupture », proposés aux personnes en situation de prostitution afin de leur montrer autre chose que ce qu’elles vivent. Elle organise environ cinq séjours par an, par exemple à Lourdes, au Mont-Saint-Michel mais aussi au Puy du Fou pour un séjour à thème sur la culture d’accueil.

CaptifsStRitaprostit29012025112700.CréditHélèneRamé

Les « parcours » pour sortir définitivement

L’accompagnement va bien plus loin. Après les premières étapes, les premiers liens et les premières démarches, les femmes peuvent bénéficier, si elles le souhaitent et si une place est disponible, d’un PSP, ou « Parcours de Sortie de Prostitution », proposé à vingt-cinq personnes chaque année dans cette antenne.

 

Le projet d’engagement dans le parcours de sortie de la prostitution est élaboré par la personne avec l’association qui évalue sa situation et la présente à une commission à la préfecture. Cette dernière rend alors un avis au Préfet, qui en donne un à son tour.

L’entrée dans ce parcours permet à la personne de bénéficier d’un accompagnement individualisé vers la sortie de la prostitution. Elle peut également accéder à une insertion sociale et professionnelle.

Dans certains cas, une autorisation provisoire de séjour de six mois, renouvelable, peut lui être accordée, afin de lui permettre d’exercer une activité professionnelle.

 

De nombreuses personnes souhaiteraient rentrer dans ce parcours. En raison d’un manque d’effectifs, il y a une liste d’attente pour y prétendre et il faut réunir plusieurs conditions : être suivi depuis un an, être connu de l’association, avoir un bon niveau de français, savoir tenir des rendez-vous, avec une solution de garde pour son enfant, un hébergement stabilisé, avoir entamé un suivi psychologique si nécessaire… Ce parcours est réévalué tous les six mois et peut durer jusqu’à deux ans, mais il résulte d’un « accompagnement au long cours » pour reprendre les mots de Charles Dulière, responsable de l’antenne.

 

Ainsi, le lien est d’abord créé dans la rue, puis les femmes viennent aux activités (cours de français, d’informatique, sorties culturelles…) puis elles peuvent demander un hébergement, une aide médicale et enfin un PSP. Il n’y a pas de retours à la prostitution après les PSP car c’est un parcours qui n’est proposé que lorsque la personne semble vraiment apte à le suivre pour sortir définitivement.

 

La plupart des femmes accompagnées sont d’origine nigériane. Charles Dulière annonce le chiffre global de 150 femmes accompagnées par l’antenne avec trois niveaux d’accompagnement, des femmes suivies de plus loin (environ 600), 100 suivis ponctuels et 50 suivis réguliers.

CaptifsStRitaprostit29012025160415.CréditHélèneRamé

Les tournées numériques

Depuis 2023, face au constat que la prostitution se trouvait de moins en moins dans la rue mais de plus en plus sur internet, l’association a également développé le projet des maraudes numériques pour aller vers les personnes en situation de prostitution sur internet, afin d’échanger avec elles, puis de les rencontrer réellement. Comme dans la rue, l’association favorise d’abord la rencontre, l’écoute et la création de lien avant de tenter l’aide et l’orientation. Les premières maraudes numériques font état d’un travail fastidieux mais nécessaire. Parmi les nombreux contacts récupérés sur les sites internet, peu répondent à leurs messages, mais les appels et rencontres qui ont eu lieu avec les quelques réponses reçues montrent une vraie utilité de ce nouveau concept. En 2023, lors d’une phase de test, 20 tournées numériques ont eu lieu. En 2024, ce chiffre monte à 64. 661 numéros de téléphone ont été relevés, 28 personnes ont répondu, 8 au téléphone et 4 ont été rencontrées physiquement.

 

Ainsi, l’antenne Sainte Rita de l’association Aux captifs, la libération joue un rôle essentiel dans l’accompagnement des femmes en situation de prostitution, en leur offrant un soutien humain, social et professionnel. Grâce aux tournées- rue, aux permanences d’accueil et aux Parcours de Sortie de Prostitution, elle tisse un lien de confiance permettant à ces femmes de reconstruire leur vie. L’évolution des pratiques vers des maraudes numériques témoigne de la capacité d’adaptation de l’association face aux nouveaux enjeux. Malgré des moyens limités et une forte demande, le travail mené par l’antenne Sainte Rita demeure une lueur d’espoir pour de nombreuses femmes en quête d’une nouvelle existence.

Vous devez accepter les cookies de type "Marketing" pour afficher ce contenu.

L'histoire de Mercy

Mercy côtoie l’antenne Sainte-Rita depuis 2022 et commence par raconter que, grâce à l’association, elle a pu se rendre à des visites de musées, quitter Paris pour découvrir l’Abbaye d’En-Calcat, faire du yoga… Mais l’essentiel ne se situe pas dans ces activités. Grâce aux Captifs, elle a surtout repris pied. « Quand je suis arrivée, j’étais toute bloquée. »

Renfermée sur elle-même, elle ne parlait pas, son fils était placé et elle n’avait plus aucun contact avec lui. Accompagnée par l’association, elle a pu porter plainte contre le père de son fils qui la menaçait, voir un psychologue, prendre des rendez-vous administratifs, se faire faire un passeport et surtout revoir son fils.

Ce dernier est toujours placé mais elle le récupère le mercredi matin pour toute la journée et l’emmène à la permanence d’accueil de l’antenne Sainte-Rita. C’est très rassurant pour la structure où son fils est placé de voir qu’elle vient avec lui passer du temps à l’association. Quand elle sera stabilisée, elle pourra le récupérer. Les responsables de l’association ne le lui ont pas encore dit, tant que rien n’est sûr, mais Mercy pourra bientôt bénéficier d’un PSP, ce qui lui permettra ensuite d’intégrer une formation d’assistante de vie aux familles. « Les Captifs aident beaucoup de femmes nigérianes, ils sont gentils avec nous. » affirme-t-elle, reconnaissante.

© Hélène Ramé