Fondation Notre Dame : 25 ans au service de la générosité

Dans son numéro du 21 septembre 2017, l’hebdomadaire Paris Notre Dame a réalisé un dossier spécial pour célébrer les 25 ans ans de la Fondation Notre Dame. Regroupant une interview croisée, des témoignages, des reportages et des pistes pour agir, ce dossier présente « vingt-cinq ans au service de la générosité ».

Gilles Denoyel et Béatrice Durfort

Interview croisée – « La dimension de la charité est première »

Vingt-cinq ans après sa création, retour sur un outil – la Fondation Notre Dame – au service d’une double générosité, celle de ses donateurs et celles des associations de terrain, qui œuvrent auprès des plus démunis. Rencontre avec son vice-président, Gilles Denoyel et avec Béatrice de Durfort, déléguée générale du Centre Français des Fonds et Fondations*.

Propos recueillis par Priscilia de Selve

Paris Notre-Dame – Quelle intuition a présidé à la création de la Fondation Notre Dame (F. N. D.) ?

Gilles Denoyel – Pour le cardinal Jean-Marie Lustiger, la dimension de charité était première. Il s’agissait de doter le diocèse de Paris d’un outil d’incitation à la générosité du public, afin de favoriser le développement des actions des associations proches du diocèse. À l’époque, deux d’entre elles l’avaient particulièrement marqué : Aux captifs, la libération, dont il trouvait l’action auprès des personnes de la rue formidable, et Tibériade, association créée pour venir en aide aux malades du sida. Puis se sont ajoutés d’autres rôles, dans le domaine de l’éducation et dans le domaine culturel.

Paris Notre-Dame – Le champ d’action de la Fondation Notre Dame est extrêmement large mais se limite aux domaines d’intérêt général, pas au cultuel ?

Gilles Denoyel – Il faut bien distinguer les mécanismes de soutien. Les fidèles peuvent aider l’Église dans son activité cultuelle par le biais du denier du culte. À côté, tout ce qui relève de l’intérêt général au sens large – social, philanthropique, éducatif, santé, etc. – bénéficie d’autres mécanismes sur le plan fiscal. C’est le rôle de la Fondation Notre Dame.

Béatrice de Durfort – Dans le cas des fondations, c’est toujours la mission d’intérêt général qui prime : leurs actions bénéficient à des tiers et non pas au cercle restreint de ceux qui les fondent. Historiquement, depuis le Moyen-Âge, l’Église s’est toujours beaucoup investie dans l’accompagnement des plus pauvres. Si Tibériade, notamment, a été mis en place rapidement, c’est bien la continuité d’une geste.

Paris Notre-Dame – Une des particularités de la Fondation Notre Dame est d’être une fondation abritante. En quoi cela consiste-t-il ?

Gilles Denoyel – La Fondation Notre Dame est une fondation reconnue d’utilité publique depuis le 30 novembre 1992, et depuis 2008, elle est devenue une fondation abritante. À ses débuts, elle se composait principalement de fondations « institutionnelles » comme KTO ou la Fondation des Bernardins ; désormais, son rôle de fondation abritante lui permet d’accueillir des fondations familiales, dix-huit à ce jour. Être hébergées par la Fondation Notre Dame permet à ces fondations privées d’éviter de se doter elles-mêmes de structures administratives, et de bénéficier d’une gestion rigoureuse. Ce rôle est important car il a permis de démultiplier l’action des associations sur le terrain.

Béatrice de Durfort – Il y a une quinzaine d’années, il y avait encore peu de fondations abritantes en France, la plus connue étant sans aucun doute la Fondation de France. Mais depuis quelques années, elles se sont développées. Le grand avantage de ces fondations est de savoir mobiliser les donateurs, capables d’organiser de façon stratégique et lisible leur philanthropie. Non seulement les gens ont envie de donner, mais ils souhaitent également être accompagnés dans ce don. Je crois que dans ce domaine, les fondations abritantes, comme la Fondation Notre Dame ont été de vrais lieux d’apprentissage de la philanthropie. Car aussi paradoxale que cela puisse paraître, il est très dur d’être un bon philanthrope. Bien donner est difficile, car cela nécessite de savoir analyser un projet, et l’accompagner dans le temps. Donner de l’argent ne suffit pas, il faut savoir accompagner le don pour en augmenter les effets.

Paris Notre-Dame – C’est ce que vous proposez à vos donateurs ? D’être accompagnés ?

Gilles Denoyel – À nos donateurs nous disons deux choses : si vous manquez de causes à soutenir, nous allons vous en présenter toute une palette, couvrant des champs extrêmement variés. Et nous leur disons aussi : vous n’aurez pas à vous soucier de gestion, nous nous occupons de tout. Ainsi, vous pourrez vous consacrer entièrement aux causes que vous soutenez. Cela a permis de former une sorte de communauté de philanthropes, autour des causes soutenues par le diocèse.

Paris Notre-Dame – En 25 ans, combien de projets ont-ils pu bénéficier de votre aide ?

Gilles Denoyel – Près de 1400, et aujourd’hui nous sommes sur un rythme de près de 140 projets aidés par an. Le champ d’action principal reste la solidarité au sens large, le soutien aux plus démunis, qui représente plus de la moitié des fonds dépensés chaque année. La Fondation Notre Dame aide ainsi des opérations comme Août secours alimentaire, qui distribue chaque été des repas aux plus fragiles, alors que la plupart des associations ont fermé leurs portes.

Le deuxième volet, c’est l’éducation. Le cardinal Jean-Marie Lustiger avait souhaité, dès le départ, que la Fondation Notre Dame vienne appuyer les initiatives des paroisses dans le secteur éducatif. Nous soutenons ainsi la Facel, structure qui accompagne les patronages à Paris. Nous finançons également des camps de vacances pour les enfants dont les familles n’ont pas beaucoup de moyens. Et la Fondation Notre Dame a permis au diocèse de Paris d’investir dans le projet de Notre-Dame de l’Ouÿe (Essonne), qui a déjà accueilli, depuis son ouverture en avril, des centaines de jeunes. Dernier volet, la culture. Le cardinal Lustiger, puis le cardinal André Vingt-Trois ont toujours estimé que la culture était un élément important de la présence de l’Église dans le monde. Ce n’est pas un hasard si le Collège des Bernardins, qui a un rôle culturel important, a été, depuis sa création en 2008, puissamment soutenu par la Fondation Notre Dame.

Paris Notre-Dame – Quelle est la démarche à faire si on souhaite présenter un projet à la Fondation Notre Dame ?

Gilles Denoyel – La plupart des projets présentés sont appuyés par une paroisse ou par un mouvement proche du diocèse. Les vicaires généraux jouent d’ailleurs, dans ce domaine, un rôle important car ils sont là pour valider si tel ou tel projet est bien dans l’orbite de l’action diocésaine.

Béatrice de Durfort – Il est d’ailleurs important de noter qu’une fondation abritante ne peut appuyer des projets qui seraient au-delà de son périmètre, défini dans ses statuts, lors de sa création. Ces périmètres peuvent être larges, mais c’est un des éléments d’appréciation dans le choix des projets appuyés.

Paris Notre-Dame – Certains dons sont aussi motivés par les avantages fiscaux prévus par le législateur. La réforme annoncée de l’impôt sur la fortune aura-t-elle un impact sur l’avenir des fondations ?

Béatrice de Durfort – L’impôt sur la fortune (ISF) a effectivement eu un impact très fort dans l’environnement des fondations, pour plusieurs raisons. D’abord, parce que ce n’est pas un impôt très populaire auprès de ceux qui doivent l’acquitter, et que beaucoup ont cherché une autre façon de lui donner du sens. Et après tout, ils ont fait référence au « S » de solidarité, en pratiquant ces dons fléchés vers des œuvres d’intérêt général ! En second lieu, parce que l’ISF permet de bénéficier d’une réduction immédiate, contrairement à l’impôt sur le revenu. Cela dit, et c’est important de le rappeler car souvent les gens l’oublient, cela coûte toujours plus cher de donner que de s’acquitter uniquement de son impôt. Il y a donc bien générosité.

Gilles Denoyel – Et c’est sans contrepartie pour la personne qui donne, cela n’a donc rien à voir avec les fameuses niches fiscales. On estime cependant que l’ISF a permis d’augmenter considérablement le montant moyen des dons. Nous estimons que, sur l’ensemble des fonds collectés par la Fondation Notre Dame et ses fondations abritées, 40 % sont liés à la déduction associée à cet impôt. L’enjeu est donc significatif.

Béatrice de Durfort – Cela reste d’ailleurs très compliqué à expliquer à certains de nos parlementaires, car c’est un sujet marginal dans la vie générale du budget de l’État, même s’il est fondamental pour la vie des associations. Avec les restrictions budgétaires et la réforme fiscale annoncées, l’année s’annonce compliquée pour les associations. C’est pourquoi le lien créé entre les donateurs et les associations sera fondamental pour l’avenir de ces dernières. Les fondations qui n’ont pas travaillé la question du sens du don avec leurs donateurs verront les générosités disparaître. Mais celles qui ont su construire du sens, conserveront leurs donateurs. Car c’est passionnant de donner, de s’engager sur des projets. Cela vous sort de vous-même, et favorise la rencontre. Des rencontres qu’il n’est plus possible de faire, aujourd’hui, dans une société cloisonnée comme la nôtre. Tout à coup, on passe hors-champ de ses priorités, pour aller à la rencontre de l’autre. Les personnes qui ont été véritablement associées, qui ont été guidées dans leurs choix, auront développé non seulement une forme de générosité, mais aussi le goût de l’engagement qui va avec.

* Le Centre Français des Fonds et Fondations a pour vocation d’aider à la connaissance du secteur et d’en favoriser le développement.

Tom et Gérald témoignent

Jeunes fréquentant le patronage de la Camillienne (12e) et investi dans le Choeur des Petits Chanteurs de Saint-Laurent (10e), Tom et Gérald témoignent de la fécondité de ces projets qui ont bénéficié d’un soutien de la Fondation Notre Dame.

La Camillienne lui a permis de croire en ses rêves

Depuis l’âge de 7 ans, Tom qui va bientôt fêter ses 18 ans, fréquente la Camillienne. Cette association chrétienne soutenue par la Fondation l’a fait grandir.

« À 7 ans, j’ai commencé à faire du judo, à la Camillienne, une association culturelle, artistique et sportive, rattachée à l’Immaculée Conception (12e) située près de ma maison. J’y suis encore ! Mais je ne fais plus de judo… Je me suis passionné pour la musique. J’ai appris la guitare, le chant, le clavier. Nous jouions avec l’un de mes amis, dans ma chambre. À la Camillienne, les animateurs le savaient. Un jour, ils nous ont proposé de nous produire sur scène. C’était dingue ! Mon rêve était devenu accessible !

Aujourd’hui, je vais commencer une école de musique et je joue dans plusieurs groupes. La « Cam » m’a permis, par ailleurs, de canaliser mon énergie. J’étais trop actif. Je suis aujourd’hui plus apaisé, grâce aux animateurs notamment, qui nous écoutent, nous responsabilisent, sans rien nous imposer.

Je ne suis pas devenu catholique, même si j’ai été touché par des messes, des prêtres, des lectures d’Évangile. Mais peut-être, un jour, me convertirai-je ? »

Propos recueillis par Isabelle Demangeat

Apprendre à vivre ensemble dans un chœur

Depuis sa création en 1944, les Petits Chanteurs de St-Laurent (10e) ont formé des centaines de jeunes au chant choral sacré. Cette initiative soutenue par la Fondation Notre Dame est non seulement artistique, mais aussi éducative comme en témoigne Gérald de Montmarin, chef de chœur de cette manécanterie pendant quatre ans..

« Au-delà de l’apprentissage du chant, les Petits chanteurs de St-Laurent ont un vrai projet éducatif. Nous essayons d’apprendre aux choristes, âgés de 6 à 17 ans, à travailler en groupe, à respecter leurs engagements – par exemple sur les horaires –, à cultiver le goût de l’effort et de l’exigence ; ou encore, nous les éveillons à la beauté de la musique liturgique. La recherche de l’harmonie dans un chœur permet, en particulier, de leur apprendre à vivre ensemble, à s’entraider. Nous incitons les plus âgés à transmettre des choses aux plus jeunes. Nous essayons aussi de les faire réfléchir à ce qu’ils chantent, en leur parlant de la signification spirituelle des textes. En quatre ans, j’ai vu les jeunes grandir et s’épanouir tant sur le plan musical que sur le plan humain. »

Propos recueillis par Céline Marcon

Des pistes pour agir – Vous souhaitez créer votre fondation

Depuis quelques années, la Fondation Notre Dame accueille des fondations privées, créées par des familles souhaitant organiser leur donation. Une manière d’accroître le spectre d’action de la fondation, tout en accompagnant la générosité des familles. Mode d’emploi.

Texte de la Rédaction

Pourquoi des fondations familiales ?

Afin d’apporter de la pérennité aux projets soutenus, un facteur essentiel pour les associations qui bénéficient de ces dons. C’est pourquoi, depuis plusieurs années, la Fondation Notre Dame encourage le développement de ce type de fondations privées. Pour les familles des donateurs, être hébergées par la Fondation Notre Dame permet d’éviter de se doter de structures administratives et de bénéficier d’une gestion rigoureuse.

Qui sont les donateurs ?

Un particulier ou une famille, disposant d’au moins 150 000 euros à apporter en trois ans. Avec un projet personnel dans le secteur de la solidarité, de l’éducation
ou de la culture. La Fondation Notre Dame. peut aussi sélectionner un éventail de projets à soutenir.

Combien de fondations à ce jour ?

À ce jour, dix-huit fondations familiales sont hébergées par la Fondation Notre Dame. Un chiffre qui augmente régulièrement chaque année. Donner efficacement, savoir son argent bien géré est, selon Gilles Denoyel, vice-président de la Fondation Notre Dame, une « préoccupation croissante » pour un grand nombre de donateurs.